Ces journées sont organisées par le Laboratoire de mathématiques de Besançon et la fédération de recherche en éducation FR-ÉDUC adossée à l’ÉSPÉ de l’Académie de Besançon.
Alors que la question des méthodes d’enseignement du nombre donne lieu à des débats sur les plans médiatique et politique, nous souhaitons mettre en regard des approches relevant de domaines de recherche différents impliqués dans ces débats. Le colloque sera l’occasion de présenter des recherches et des points de vue relevant des domaines des neurosciences, de l’épistémologie, de la philosophie. Si le nombre est considéré en premier lieu comme objet mathématique dont l’histoire révèle les dimensions sociales et anthropologique, il est aussi un objet psychologique auquel les neurosciences offrent une description nouvelle. Enfin, il sera présenté comme un objet didactique puisqu’il est aujourd’hui situé au cœur des débats sur l’enseignement des mathématiques, dans un contexte d’évaluation nationale récentes (TIMMS, PISA) aux résultats actuellement très commentés. Le colloque s’appuiera sur l’intervention de chercheurs dans le domaine de la philosophie et de l’histoire des mathématiques, des neurosciences, de la didactique et de la psychologie.
Le colloque mettra en résonance ces différents apports pour relire les choix actuels des programmes et apporter des réponses et ressources aux professeurs et chercheurs impliqués dans l’enseignement du nombre.
Ces journées souhaitent attirer un public varié de chercheurs et d’enseignants intéressés par les questions épistémologiques, historiques et didactiques, ainsi que les étudiants et notamment ceux qui se destinent à l’enseignement des mathématiques.
Elles se tiendront dans la salle 316 du bâtiment métrologie de l’UFR des sciences et techniques.
Pour vous inscrire à cette journée, envoyez un mél à philippe.leborgne@univ-fcomte.fr.
Il n’est pas nécessairement reconnu que le nombre est une invention humaine, et certains croient même avoir démontré que le nombre entier naturel (1, 2, 3, …, voire zéro) a pour origine un « sens » inné décelable dès la petite enfance, et que nous partagerions, entre autres, avec nos cousins chimpanzés. D’un autre côté, si l’on pense au contraire que le nombre a bel et bien été inventé, on en voit souvent la motivation dans l’échange marchand et la comptabilité. Or si, dans les cités-états et empires anciens, ces activités ont incontestablement donné une impulsion considérable au développement de l’arithmétique, elles n’en constituent pourtant pas à elles seules la préhistoire. Il se trouve en effet que nombre de sociétés primitives ont inventé des systèmes numériques, alors que leurs échanges purement matériels sont de très faible ampleur, et que lorsque ceux-ci ont lieu, les systèmes en question ne sont pas utilisés.
Nous défendrons l’idée que le nombre est une création humaine, et que cette création est principalement le fruit d’une pensée ambitieuse : pensée du monde et de sa genèse, avec au fondement le concept contradictoire, dialectique, de l’Un-Multiple. L’enquête ethnographique et les anciennes mythologies orientales montrent en effet clairement que la multiplicité de l’Un est la forme sous laquelle la pensée primitive se représente l’énergie créatrice en général. Mais si la démultiplication de l’Un rend compte quantitativement de la puissance créatrice, elle ignore sa variété qualitative : pour résoudre le problème, la pensée primitive élabore des expressions quantitatives de la qualité, par le biais de correspondances un à un (bijections) avec des supposés éléments-clés du monde, les quatre directions cardinales étant l’un des exemples les plus fréquents. Ces quantifications mythiques, avec les rituels associés, créent la possibilité du nombre, ainsi que des occasions pour lui de se constituer.
La question de la construction du nombre anime, depuis de nombreuses années, des chercheurs de différents domaines : en psychologie cognitive (par ex. Fayol, 2012), en didactique des mathématiques (par ex. Margolinas & Wozniak, 2012) et plus récemment en neurosciences (par ex. Dehaene, 2010). Ces études concernent majoritairement l’apprentissage des nombres entiers. Dans cette conférence, nous souhaitons nous centrer sur les recherches qui concernent l’apprentissage des fractions. Nous proposons ainsi de présenter différents points de vue (cognitif et didactique) sur l’apprentissage des fractions (Siegler et al., 2013, Chambris, 2017 ; Coulange & Train, 2017) et de montrer en quoi un croisement et une articulation de ces approches peuvent permettre d’enrichir les recherches. Nous illustrerons nos propos en présentant la conception collaborative d’un jeu vidéo didactique pour l’apprentissage des fractions, conçu par notre laboratoire et une start-up de jeux vidéo lyonnaise.
Références :
La littérature scientifique rapporte depuis longtemps un lien étonnant entre la reconnaissance tactile des doigts, appelée gnosie digitale, et la réussite mathématique. Dans un cadre neuro-anatomique, cette relation est expliquée par l’intrication des zones neuronales dédiées aux doigts et aux traitements numériques. Selon une seconde hypothèse complémentaire, la nature du lien doigts-nombres pourrait également être de nature fonctionnelle. Dans cette perspective, le passage d’un traitement non symbolique des quantités, sans recours au langage numérique, vers des compétences symboliques, où les quantités sont représentées par des codes oraux ou écrits, se ferait grâce à l’implication concrète des doigts en situations numériques, par exemple via le comptage sur les doigts ou les dénombrements.
Identifier les compétences numériques préservées chez des enfants avec atteinte motrice peut permettre de mieux définir la nature de la relation existante entre doigts et nombres. L’hypothèse neuro-anatomique prédit en effet une atteinte conjointe des habiletés digitales et de toutes les compétences numériques, y compris non symboliques. Dans le cas de l’hypothèse fonctionnelle, il n’y a aucune raison pour que le système non symbolique, présent dès la naissance, soit touché.
Deux groupes de 15 enfants âgés de 9 à 15 ans, l’un composé d’enfants avec paralysie cérébrale (PC) et l’autre d’enfants sains appariés sur l’âge, ont été testés sur leurs habiletés motrices, cognitives et numériques. Les résultats montrent que les compétences numériques non-symboliques sont en partie préservées chez les enfants avec PC malgré leur atteinte digitale. Par ailleurs, malgré des difficultés notoires en dénombrement ou comptage sur les doigts, les enfants avec PC réussissent aussi bien que leurs pairs au niveau arithmétique. Ce résultat suggère qu’il est possible de réussir en mathématiques sans prendre appui sur ses doigts, probablement par des phénomènes de compensation ou des points d’appui visuels qui seront discutés en termes d’implications pédagogiques.
La communication du groupe « école primaire de l’IREM de Franche-Comté » contribue à la réflexion sur l’enseignement du nombre à l’école en présentant l’exemple d’une expérience d’enseignement de la numération exploitant fortement les particularités du système décimal. Ce projet s’appuie sur la manipulation par les élèves d’un abaque qui propose le « cinq » comme groupe intermédiaire d’objets avant le passage à la dizaine. L’expérimentation débutée il y a trois années alimente désormais une recherche collaborative avec les enseignants d’un réseau REP de Haute-Saône.
Je rendrai d’abord compte des différentes conceptions des nombres entiers en m’appuyant sur l’ouvrage récent La possibilité des nombres de Frédéric Patras. Puis je présenterai la conception qu’en a Paul Lorenzen dans le cadre de sa philosophie constructive des sciences.
Il existe diverses approches de la dyscalculie, l’approche dominante étant centrée sur le fonctionnement cognitif de l’individu. Cependant, la recherche en cognition numérique présente encore de nombreuses lacunes et incertitudes : aucune définition ne fait consensus, les critères diagnostiques sont flous, etc. Nous nous posons alors la question de la place et du rôle de la didactique des mathématiques dans ces recherches et de la manière de concilier les approches pour mieux comprendre et accompagner les élèves présentant ce trouble. Dans cette thèse, nous nous intéressons plus particulièrement aux points de vue didactique et cognitif de la construction du nombre à l’école élémentaire. Afin d’en identifier les points de convergence et de divergence, nous réalisons une double étude bibliographique (en didactique et en cognition). Nous développons ensuite une méthodologie articulant ces éléments théoriques et l’analyse de tests existants pour concevoir un dispositif de repérage des difficultés en mathématiques (validé expérimentalement). Ce dispositif, destiné tout d’abord à l’enseignant, vise l’établissement d’un profil de compétences de l’élève permettant la mise en place de remédiations. De plus, grâce à sa conception particulière (tenant compte des spécificités de la cognition numérique et de la didactique des mathématiques), il permet d’établir un inventaire commun des difficultés de l’enfant exploitable par chacun des professionnels en charge de l’élève (enseignant et professionnels paramédicaux et médicaux), facilitant ainsi leurs échanges. La thèse ouvre par ailleurs de nouvelles perspectives pour la définition d’une interface entre didactique et cognition.
Nous nous appuierons sur certaines situations issues de la recherche ERMEL (Équipe de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques à l’École Élémentaire – IFÉ ENS-Lyon) qui a commencé dans les années 80. Ces situations ont ensuite été reprises et republiées dans le cadre de la recherche ERMEL, par d’autres équipes, par des enseignants. Pour une équipe de recherche comme ERMEL, cela pose la question de l’appropriation par les enseignants de la situation.
L’équipe ERMEL conçoit, expérimente et produit des ingénieries didactiques (Artigue 2002) sur l’ensemble de l’enseignement des mathématiques à l’école. Elle réunit des enseignants, des formateurs et des enseignants-chercheurs qui ont conduit des recherches sur les apprentissages mathématiques à l’école, d’abord dans le domaine numérique puis géométrique. Ces recherches ont abouti à la production de 6 ouvrages :
Mais compte tenu de l’évolution de la formation des enseignants du 1er degré, tant initiale que continue, il est apparu nécessaire de produire de nouvelles ressources afin de rendre plus accessibles les résultats de nos recherches.
Nous examinerons dans un premier temps les choix de l’équipe ERMEL en termes de situations pour enseigner le nombre mais également de description du travail du professeur dans la conduite des situations didactiques, et par là même de ce qui est nécessaire à la mise en œuvre d’une situation et de ce qui relève des choix de l’enseignant. Nous proposons aussi des choix facilitant l’évolution des gestes professionnels de l’enseignant.
Par ailleurs certaines situations sont reprises par des « méthodes », des circonscriptions de l’éducation nationale, ou des enseignants sur leur site personnel. Nous proposerons dans un second temps un analyse des transformations et adaptations de ces situations.