Le cycle de conférences, organisé par la Société mathématique de France en direction du grand public et tout particulièrement des lycées, vient à Besançon à l’invitation du Laboratoire de mathématiques de Besançon et de l’IREM de Franche-Comté dans le cadre de la Semaine des mathématiques 2015 et du Trimestre LMB Modélisation et équations aux dérivées partielles soutenu par le conseil régional de Franche-Comté.
Depuis 2005, quatre mathématiciens sont invités chaque année à présenter un texte de l’histoire des mathématiques qui les a particulièrement influencés. À partir de ce texte, de son auteur et de son histoire, le conférencier montre de quelle manière une problématique ancienne conduit à des questions actuelles et des recherches mathématiques en cours.
Nous accueillons une de ces conférences prestigieuses à Besançon. Elle a été donnée à la Bibliothèque nationale de France en 2013.
Résumé: Jean le Rond D’Alembert est surtout connu pour son rôle de rédacteur de l’Encyclopédie, et peut-être un peu moins comme mathématicien. Né le 16 novembre 1717 à Paris des amours illégitimes entre une femme de lettres et un chevalier artilleur, il est abandonné dès sa naissance sur les marches de la chapelle Saint-Jean-le-Rond, ce qui lui valut son prénom. Retrouvé par son père, il est confié à une nourrice qui en prendra soin une grande partie de sa vie mais ne sera jamais reconnu. Après de brillantes études, il présente à l’Académie des Sciences de Paris son premier travail mathématique à l’âge de 22 ans. À 24 ans, il est nommé membre adjoint de la section d’Astronomie, et est élu à l’Académie française à 37 ans.
Ami de Voltaire, habitué des salons parisiens, il y rencontre Denis Diderot avec qui, en 1747, il entreprend la rédaction de l’Encyclopédie, dont il rédigera de nombreux articles consacrés aux mathématiques, à l’astronomie et à la physique. On lui doit aussi le fameux discours préliminaire, considéré comme le manifeste de la philosophie des Lumières, qui s’inspire des progrès de la science au 17e et au 18e siècle pour promouvoir une conception du monde fondée sur la raison.
D’Alembert est l’auteur de contributions scientifiques étonnantes par leur variété et leur profondeur ; en mathématiques, on lui doit notamment l’énoncé selon lequel tout polynôme à coefficients complexes possède parmi les nombres complexes un nombre de racines - comptées avec leur multiplicité - exactement égal à son degré, énoncé dont la démonstration complète sera donnée plus tard par Gauss. En mécanique, le principe de conservation de la quantité de mouvement porte son nom, ainsi qu’un célèbre paradoxe en hydrodynamique. En astronomie, il est l’auteur d’un mémoire sur la précession des équinoxes. Il fut également philosophe et théoricien de la musique.
C’est justement la musique qui est à l’origine du texte qui fait l’objet de cet exposé. En 1747, D’Alembert présente un mémoire à l’Académie de Berlin consacré à l’étude des petites vibrations d’une corde tendue à ses deux extrémités, comme une corde de guitare. Il y traduit ce problème en une équation mathématique d’un nouveau type, où l’inconnue n’est plus ni un nombre, ni une fonction d’une variable, comme dans les équations différentielles étudiées par Newton quelques dizaines d’années plus tôt, mais une fonction de plusieurs variables. C’est l’une des toutes premières équations aux dérivées partielles. De telles équations allaient ensuite se révéler omniprésentes dans la modélisation mathématique des phénomènes physiques, et dans de nombreuses questions de géométrie.
Nous nous efforcerons de suivre les arguments de D’Alembert établissant et résolvant sa fameuse équation, puis nous essaierons de donner une idée de l’extraordinaire fécondité mathématique de l’équation de D’Alembert, de la propagation des ondes jusqu’aux équations d’Einstein en relativité générale.
Ancien élève de l’École normale supérieure, Patrick Gérard est professeur à l’université Paris-Sud (Orsay) depuis 1991 et membre de l’Institut universitaire de France depuis 2009. Il a enseigné à l’École normale supérieure de 1985 à 1991 et à l’École polytechnique de 1993 à 2004. Ses travaux portent sur la théorie des équations aux dérivées partielles, notamment la propagation des ondes linéaires et non linéaires à haute fréquence. Il a obtenu le prix Servant de l’Académie des sciences en 1998, a été conférencier invité au congrès européen de mathématiques à Stockholm en 2004, et au congrès international des mathématiciens à Madrid en 2006. Il est l’auteur d’environ 80 publications et a dirigé huit thèses. Depuis 2010, il dirige le laboratoire de mathématiques d’Orsay.
Documentation. Le texte de D’Alembert à la base de la conférence: Recherches sur la courbe que forme une corde tendue mise en vibration.
La BNF propose une bibliographie cliquable, ainsi qu’un dossier en ligne sur D’Alembert.
Pierre Pansu a rédigé un billet pour Images des maths et François Lavallou a écrit un article dans Tangente Sup no 70-71.
L’association Animath pour l’animation mathématique a rendu compte sur son site de la conférence de 2013. Plusieurs classes ont bénéficié d’une pré-conférence qui permet de préparer les élèves aux notions qui n’apparaissent pas dans le programme scolaire. En particulier, le lycée Louis Bascan de Rambouillet a dédié une page à la pré-conférence de Nicolas Pouyanne ainsi qu’à la conférence.
La conférence a été accompagnée de plusieurs interventions en classe à Besançon et à Dole. En particulier, Carlotta Donadello a parlé d’Équations différentielles et modélisation, et Cyril Godey de D’Alembert, un mathématicien du siècle des Lumières. Sylvain Monturet, enseignant de philosophie au lycée Jacques Duhamel de Dole, rend compte sur son blog de la conférence et de l’intervention de Boris Andreianov.